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L’indemnisation des proches de la victime d’un accident du travail : les victimes par ricochet n’ayant pas la qualité d’ayant droit au sens de la sécurité sociale.

 

L’indemnisation des proches de la victime d’un accident du travail : les victimes par ricochet n’ayant pas la qualité d’ayant droit au sens de la sécurité sociale.

En 1898, a été mis en place un régime particulier d’indemnisation des victimes d’accidents du travail.

Jusqu’alors, en application des règles du code civil, l’employeur ne pouvait voir sa responsabilité engagée qu’en cas de faute. Les révolutions industrielles et l’essor du machinisme causant de nombreux accidents, sans qu’une faute puisse toujours être identifiée, rendaient insuffisant ce système de responsabilité. Pour pallier ces insuffisances, la loi du 9 avril 1898 a mis en place un système de garantie des accidents du travail.

S’il a depuis évolué, ce mécanisme particulier reste en vigueur. En contrepartie de cette garantie qui dispense de la preuve d’une faute, la réparation du préjudice de la victime n’est pas intégrale. Elle se fait de manière forfaitaire, sous forme de rente versée par la sécurité sociale.

En cas de faute inexcusable de l’employeur, le salarié victime peut certes exercer une action devant le pôle social du tribunal judiciaire, afin d’obtenir une majoration de sa rente, et l’indemnisation de certains postes de préjudice. Mais il ne dispose toujours pas d’action lui permettant d’obtenir devant les juridictions de droit commun l’indemnisation intégrale de son préjudice.

Alors même que depuis la loi de 1898 le droit commun de la responsabilité a évolué de manière telle que ses règles le lui permettraient, même en dehors de toute faute de l’employeur (par application de la responsabilité du fait des choses, ou de la loi dite Badinter réglementant l’indemnisation des préjudices subis à l’occasion d’un accident de la route, par exemple). Le salarié victime reste cantonné à ce régime dérogatoire, qu’est celui de l’accident du travail.

Mais qu’en est-il de ses proches ? Les conjoints, enfants, proches parents de la victime de l’accident du travail peuvent avoir subi personnellement un préjudice lourd du fait de l’accident. Que peuvent-ils faire ?

Il conviendra de distinguer selon qu’ils ont, ou non, la qualité d’ayant droit au sens de la sécurité sociale.

La liste de ces personnes est fixée aux articles L.434-7 et suivants du code de la sécurité sociale, et suppose le décès de la victime de l’accident du travail. Ces personnes se verront appliquer le même régime que la victime elle-même. Elles ne pourront agir, et seulement en cas de faute inexcusable, que dans les conditions ci-dessus décrite. Ainsi, par exemple, de la veuve du salarié décédé à l’occasion de cet accident du travail.

A l’inverse, les autres proches (frères et sœurs notamment), ou victimes par ricochet, sont recevables à agir en droit commun. Après quelques hésitations, la cour de cassation leur a reconnu ce droit, ce qui leur permet d’agir en indemnisation de l’intégralité de leur préjudice ( Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 2 février 1990, 89-10.682, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr )y compris devant la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) si les conditions en sont remplies.( Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 mai 2019, 18-17.033, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr) Une procédure simplifiée, accélérée, et ouvrant davantage de droits leur est alors ouverte.

Une telle différence de traitement ne manque pas de surprendre. Si elle est fondée sur des textes, la pertinence des distinctions est discutable. Elle l’est plus encore lorsque l’on songe qu’elle peut frapper une même personne. Par exemple, le conjoint de la victime de l’accident du travail peut lui-même se voir appliquer les deux régimes :

-si la victime est décédée des suites de l’accident du travail, son conjoint a la qualité d’ayant droit au sens de la sécurité sociale ; il ne peut agir qu’en reconnaissance de faute inexcusable ;

-si la victime a survécu, son conjoint n’a pas la qualité d’ayant droit au sens de la sécurité sociale, et il peut agir en droit commun pour obtenir une indemnisation intégrale.

 

 

Emeric LACOURT, avocat

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