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Organisation des élections du CSE : le retour du préjudice nécessairement causé.

Les débats autour du préjudice nécessairement causé se ravivent. Son contour reste mal défini, mais son retour est indéniable.

Les braises que l’on avait crues éteintes en 2016 rougeoient. Rappelons de quoi il s’agit.

Par principe, la loi ne permet à un justiciable de demander une indemnisation que s’il a subi un préjudice, qu’elle a pour objet de réparer.

Le contentieux très fourni du droit du travail, fondé sur un code qui prévoit de très nombreuses obligations à la charge de l’employeur a permis à l’imagination des plaideurs de solliciter pléthore de dommages intérêts dès lors que l’employeur n’avait pas respecté telle ou telle disposition : absence de délivrance de bulletins de paie, absence de mise en place du document unique d’évaluation des risques, remise tardive des documents de fin de contrat, défaut de mention de la priorité de réembauchage dans une lettre de licenciement pour motif économique (  Cass. Soc. 16 décembre 1997, 94-42.089, Publié au bulletin, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007039902?init=true&page=1&query=94-42.089&searchField=ALL&tab_selection=all  ) … Les exemples étaient innombrables.

Parfois sévères, et génératrices de contentieux artificiels (pourquoi se priver de demander à un juge une indemnisation à laquelle on peut prétendre même si on n’a pas eu mal ?), les juridictions avaient pris l’habitude d’attacher une présomption irréfragable de préjudice à la constatation de certaines de ces fautes : dès lors que le manquement était constaté, l’employeur devait être condamné à indemniser le salarié, quand bien même celui-ci ne prouvait aucun préjudice.

La cour de cassation a mis un coup d’arrêt très net en 2016  à ce phénomène ( https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032414283?init=true&page=1&query=14-28.293&searchField=ALL&tab_selection=all ).

Et réitéra tout aussi clairement sa nouvelle position en 2017 ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 juin 2017, 16-16.001 16-16.002 16-16.003 16-16.004 16-16.005, Inédit, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034958947/ ).

Pendant les années qui ont suivi les juridictions du travail, conseils de prud’hommes et chambres sociales de cours d’appel, ont appliqué la règle nouvelle devenu moyen de défense pavlovien des employeurs et des AGS. Peut importait le nombre des manquements. Le salarié ne serait pas indemnisé sans preuve de son préjudice.

En 2017 la loi, dans un domaine proche, mettait fin au principe d’indemnisation intégrale du préjudice subi du fait des licenciement sans cause réelle et sérieuse, en mettant en place des plafonds d’indemnisation dits « Barèmes Macron », dont la validité reste âprement discutée. Quelque soit le préjudice subi par un salarié du fait de son licenciement abusif, l’indemnisation de son préjudice sera nécessairement limitée à un plafond fixé à un nombre de mois de salaire donné, calculé en fonction de son ancienneté.

En quelques années, la pratique judiciaire se trouvait bouleversée, au profit de l’employeur, les larges et nombreuses indemnisations versées au salarié étant limitées et raréfiées.

Puis petit à petit, sans que l’on sache si la mise en place des barèmes en soit, consciemment ou non à l’origine, la cour de cassation a ajusté sa jurisprudence, dans un mouvement de reflux discret mais désormais suffisamment étayé pour être identifié, adoptant à nouveau, au cas par cas, des hypothèses de préjudice nécessairement causé. A chaque fois, l’origine européenne du mécanisme ainsi protégé semble en cause.

Ainsi juge-t-elle que « le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation » ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 janvier 2022, 20-21.636, Publié au bulletin, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045097657?init=true&page=1&query=20-21.636&searchField=ALL&tab_selection=all ),

Désormais, c’est l’absence d’organisation des élections professionnelles qui est ainsi systématiquement indemnisable. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 juin 2023, 22-11.699, Publié au bulletin, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047781209?init=true&page=1&query=22-11.699&searchField=ALL&tab_selection=all )

Dans cette affaire un salarié, à l’occasion de la contestation de son licenciement demandait par ailleurs une indemnisation en raison de l’absence d’organisation par son employeur d’élections pourtant obligatoires, aux fins de mise en place des institutions représentatives du personnel. Il n’y avait ni délégué du personnel ni comité d’entreprise (devenus comité social et économique ; les faits de l’espèce remontant à 2015), ni même procès-verbal de carence montrant qu’à tout le moins, on avait tenté en vain de procéder à l’élection. La cour d’appel de Paris rejetait sa demande, motif pris de l’absence de préjudice. La cour de cassation relève ici une violation de la loi :

« Vu l'article L. 2313-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article 8, § 1, de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne :

10. Il résulte de l'application combinée de ces textes que l'employeur qui n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

11. Pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité pour absence d'institutions représentatives du personnel, l'arrêt retient que le salarié ne justifie d'aucun préjudice consécutif à cette absence.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Pas de CSE sans bonne raison = dommages et intérêts.

L’enseignement que doivent en tirer les employeurs est très clair. L’élection, quelque soit son caractère contraignant doit impérativement être organisée, sous peine de sanctions financières. La cour de cassation assure ainsi une forme de police des relations de travail, la sanction pécuniaire encourue s’avérant souvent plus dissuasive qu’une hypothétique poursuite pour entrave.

L’organisation d’élections du CSE n’est pas chose aisée. Faites-vous aider par un avocat.

Nous pouvons vous assister et vous guider dans cette démarche :

https://www.avocat-scp.com/ardennes-avocat/p-23-elections-professionnelles.html

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